15 décembre 2010

Perception de la lettre et du mot

Les sous-titres amènent à une lecture différente que celle que nous avons l'habitude d'exercer et là est toute la richesse mais aussi la complexité de ce sujet.
D'après une conférence de Stanislas Deheane(1) sur Les mécanismes cérébraux de la lecture, lorsque nous sommes enfants et que nous apprenons à lire, nous avons une lecture sérielle, c'est-à-dire que nous lisons lettre par lettre. Petit à petit, avec l'expérience, notre lecture devient globale, nous reconstituons l'image-mot, comme tu le soulignes à travers l'exemple d'Herbert Spencer.
En revanche, lorsque la lecture est perturbée, notre lecture déstabilisée redevient alors une lecture sérielle. De ce fait, l'importance de la silhouette est plus fragile à l'écran en tant que sous-titres.
Du coup, en ce moment je n'explore plus seulement le dessin de caractère lettre par lettre, mais j'essaie aussi de penser la lettre dans le mot, afin d'essayer de valoriser la silhouette, cette information qui est détériorée. De ce fait, j'accentue les montantes et le descendantes. Je joue avec l'interlettrage. Je bouche les contre-formes. Je mets en place un ligne qui guide le regard, qui stabilise le mot. J'expérimente. (Je montrerai bientôt des essais.)

Autre point par rapport à notre lecture, notre regard se porte plus généralement sur la partie supérieure des lettres et ça revoit aussi au test du notaire Leclerc(2) qui montre que nous pouvons lire seulement avec la partie supérieure des mots. Du coup dans l'accentuation des distinctions entre les lettres, je me focalise davantage sur la partie supérieure des lettres. 
85% des lettres ont une partie supérieure, 15% seulement ont une partie inférieure. Par en haut, nous trouvons toutes les capitales, tous les accents, les points des i j et les montantes des lettres b d f h k l t. Tandis que pour le bas, nous trouvons seulement les lettres g j p q et y. (Ce calcul vaut particulièrement pour les langues ayant des accents.)

Nous avons vu que les caractères étroits que l'on retrouve parfois dans les annuaires relèvent d'une lecture discontinue.
En effet, les sous-titres ne sont jamais des textes très importants en terme de quantité (exemple pour Arte (ça varie d'une chaîne à l'autre), le maximum est de 35 signes maximum par lignes (espaces compris) et sur deux lignes maximum).
Néanmoins, la lecture de la phrase dans son ensemble est très importante, car si la lecture d'un mot échappe, il pourra être deviné dans l'ensemble de la phrase, bien sur aussi dans le contexte de l'histoire.
C'est la même chose que sur le papier, mais en plus extrême car on ne maîtrise pas le rythme de la lecture. On ne peut pas décider de revenir en arrière. Lorsque l'on lit, on récupère très peu d'informations à la fois. On lit par saccades, 3 à 4 saccades par seconde. Et le cerveau reconstitue le sens de la phrase sur la base d'acquisition d'informations à partir des mots isolés.

Notre cerveau fait un sacré boulot. Voilà pourquoi tant de personnes préfèrent regarder des films doublés. On y perd en authenticité mais pas en énergie cérébrale.

S.



(1) Les conférences de Stanislas Deheane 
sont en écoute sur le site du Collège de France.


(2) Ladislas Mandel, explorateur de la typo française
par Olivier Nineuil, Typographie.





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